Article rédigé par Sylvie Zambelli, membre de l’association Alsace Etats-Unis
Œuvre grandiose, visitée chaque année par 3 à 4 millions de visiteurs, la « Statue de la Liberté » , ( également connue sous le nom de « la Liberté éclairant le monde » ) symbolise l’Amitié et la Coopération politique entre les Etats-Unis et la France.
Dans un 19ème siècle tourmenté par des guerres ( aux USA, guerre de sécession 1861/1865 ; en France guerre franco-allemande 1870/1871 et chute du Second Empire), ce monument témoigne des aspirations communes des deux nations : la Victoire des Idées des Lumières, une même expérience démocratique, une même espérance républicaine.
L’Alsace est le berceau d’un des pères fondateurs de cette œuvre colossale. C’est en effet à Colmar, le 2 août 1834, que naît dans un foyer de notables protestants, Frédéric Auguste Bartholdi.
Orphelin de père à l’âge de deux ans, il suit sa mère qui décide alors de s’installer à Paris. A partir de 1852, après des études moyennes, le jeune Bartholdi étudie l’architecture à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts. Il suivra également les cours du célèbre peintre Ary Scheffer.
Auguste aime fréquenter les salons où se pressent intellectuels, artistes et politiciens. C’est au cours d’un de ces dîners près de Versailles, qu’il rencontre en 1856, celui qui deviendra l’autre père fondateur de la célèbre statue : Edouard Laboulaye. Juriste, politicien, ce professeur au Collège de France est un éminent historien de la Constitution américaine au 19ème siècle. Lors de ce dîner, Laboulaye déclarera :
« Si jamais un monument était érigé en Amérique en souvenir de son indépendance, il me semblerait tout naturel qu’il fût érigé par un effort commun des deux nations » (1).
Frédéric Auguste Bartholdi ne l’oubliera pas.
En 1867, le jeune artiste esquisse le projet d’un phare monumental, destiné à être placé à l’entrée du Canal de Suez : « La Liberté éclairant le monde ». Le projet sera abandonné faute de moyens. L’idée, cependant, demeurera.
La guerre franco-allemande de 1870 entrave l’évolution artistique du jeune homme. Ce conflit se conclut en 1871 par le Traité de Francfort , qui, non seulement cède l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne, mais isole diplomatiquement la France. En juin 1871, Bartholdi, fatigué, découragé, s’embarque pour New York et parcourt le territoire américain.
Janvier 1875 : la IIIème République est proclamée en France. Portés par leur enthousiasme républicain, Laboulaye et Bartholdi contribuent à la création de l’Union franco-américaine, et s’évertuent à collecter les fonds nécessaires à la réalisation de la prestigieuse statue.
L’architecte Eugène Viollet-le-Duc est sollicité pour le choix et le travail des cuivres ; mais il décède avant que l’œuvre ne soit achevée. C’est alors l’ingénieur français Gustave Eiffel qui poursuit le vaste chantier et réalise la structure interne de la statue. Il crée en 1871 une charpente métallique qui nécessite 20 tonnes de fer forgé et 300 000 rivets qui soutiendront les plaques de cuivre.
Dans le même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les fonds nécessaires à la réalisation du socle –imaginé par l’architecte américain Richard Morris Hunt, et réalisé par l’ingénieur Pomeroy Stone-, sont également réunis.
L’aventure est en voie de concrétisation. Aux Etats-Unis, la première pierre du socle est posée durant l’été 1884. Il sera achevé en 1886. En France, la Statue de la Liberté est terminée en juillet 1884.
Frédéric Auguste Bartholdi aura consacré plus de 20 ans de sa vie à la réalisation de cette œuvre gigantesque.
Quelques chiffres :
- Hauteur de la base jusqu’à la torche : 46,90 m
- Hauteur du piédestal à la torche : 92,99 m
- Longueur de la main : 5m
- Epaisseur de la tête : 3,05 m
- Longueur du bras droit : 12,80
- Poids : 31 tonnes de cuivre et 125 tonnes d’acier
- Coût total de la construction : 800 000 dollars.
Comment comprendre cet héritage ?
Cette œuvre colossale est sans conteste un véritable témoignage de l’excellence de la technique française de cette époque. Drapée dans une toge à l’antique, quasi impersonnelle, semblant asexuée , elle appartient à toutes celles et tous ceux qui la regardent ; elle laisse chacun ,libre de sa liberté de perception. En cela réside sa force et son étonnante modernité.
Dans l’iconologie républicaine, la République est associée à l’image féminine, comme en témoigne le buste de Marianne, surnom de la République Française. Mais contrairement à « cette petite sœur », la statue de la Liberté représente une femme debout, semblant esquisser un pas en avant, comme tendue vers un avenir toujours en marche.
Dans la main droite, la flamboyante torche, flambeau de la victoire des Lumières sur l’obscurantisme ; à ses pieds, des chaînes brisées : deux symboles qui invitent les peuples à prendre leur destin en main, et à s’affranchir de toute oppression.
La main gauche, plus discrètement, tient une tablette sur laquelle est gravée la proclamation d’indépendance des Etas-Unis ( July,4th, 1776).
Le message politique est fort : la Liberté doit éclairer le monde et doit être libre, mais elle s’inscrit aussi dans un cadre d’ordre et de lois.
Il faut gravir 354 marches pour accéder à la couronne ajourée par 25 fenêtres.Sur la couronne, un diadème à 7 rayons, symbolisant les 7 mers et les 7 continents.
Enfin , rappel originel : si la statue regarde vers la France, elle est aussi orientée vers l’Europe, vivier de l’immigration.
En 1886, les 350 pièces sont détachées, chargées à bord de la frégate « Isère » et acheminées vers New York. La statue est installée à l’entrée du port de New York, sur l’île de Liberty Island au sud de Manhattan, à l’embouchure de l’Hudson et à proximité d’Ellis Island.
Elle sera inaugurée le 28 octobre 1886 par le Président américain Grover Cleveland.
Depuis cette date, elle accueille les millions d’immigrants venus peupler les Etats-Unis.
En 1903, le sonnet de la poétesse américaine Emma Lazarus , « The New Colossus » ( le nouveau colosse), écrit en 1883, fut gravé sur une plaque de bronze rivée dans une paroi du socle de la statue.
Un extrait de ce sonnet :
« Donnez-moi vos pauvres, vos exténués,
Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres,
Le rebut de vos rivages surpeuplés,
Envoyez-les moi les déshérités que la tempête m’apporte,
De ma lumière j’éclaire la porte d’or. »
Depuis le 15 octobre 1924, « la statue de la Liberté » est déclarée Monument National aux Etats-Unis.
Elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984.
Elle a été restaurée en 1986.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l’accès à l’intérieur de la couronne de la statue fut interdit, et ce, jusqu’au 4 juillet 2009, date de sa ré-ouverture.
L’accès en sera à nouveau interdit dès fin octobre 2011 pour permettre sa restauration.
Le 28 octobre 2011, le Président de la République Française Nicolas Sarkozy, et le maire de New York Michael Bloomberg, entourés de personnalités politiques, artistiques et de nombreuses autres personnes, ont célébré le 125ème anniversaire de la « Liberté éclairant le monde ». George Cleveland, petit-fils du Président américain était également présent.
A cette occasion, l’actrice Sigourney Weaver a lu le sonnet d’Emma Lazarus : « Le Nouveau Colosse ».
En cette radieuse journée commémorative, 125 immigrants ont reçu la nationalité américaine ; parmi eux, une française.
L’hymne américain et la « Marseillaise », entonnés par l’Armée des Etats-Unis, ont résonné aux pieds de cette « déesse de cuivre » dont la jolie teinte rouge s’est, avec le temps, patiné en un doux pastel bleu vert.
Ainsi au XXIème siècle, « la Liberté » continue d’inviter Français et Américains, à consolider leur amitié fondatrice, à se souvenir de leur fraternité inébranlable jusque dans les épreuves les plus redoutables, et à poursuivre, ensemble, leur histoire commune.
Bibliographie
1. Robert Belot, Daniel Bermond , BARTHOLDI , éd. Perrin, 2004 .